Translate

sábado, 7 de fevereiro de 2009

FREMM grecques [RE-ENVIANDO]

FREMM grecques : Le contrat à ne pas rater pour DCNS

Vue de la FREMM proposée à la Grèce
crédits : DCNS




Après une première vente remportée au Maroc le mois dernier, DCNS espère définitivement lancer à l'export sa frégate européenne multi-missions grâce à la Grèce. Afin de remplacer les 10 unités de la classe Elli (type Kortenaer néerlandais), mises en service entre 1978 et 1983, la marine hellénique souhaite, en effet, se doter de six nouveaux bâtiments. L'industriel français présente par conséquent une version dérivée de la FREMM adoptée par la Marine nationale (8 exemplaires commandés et 9 autres en option) et conçue en coopération avec l'Italie, qui doit en construire une dizaine. DCNS propose donc à la Grèce un navire de premier rang très polyvalent, long de 142 mètres pour une largeur de 20 mètres et un déplacement de 6000 tonnes. « Les atouts de cette frégate sont la furtivité, l'intégration des dernières technologies, l'automatisation qui limite l'équipage à une centaine de personnes et sa conception modulaire, qui permet d'embarquer les missiles les plus récents mais aussi ceux que souhaite la marine hellénique. C'est aussi un bateau très intégré avec un système de combat performant, à même d'assurer des missions antiaériennes ou anti-sous-marines », souligne Jean-Marie Poimboeuf, président de DCNS. La FREMM « made in Grèce » pourra conduire des opérations de lutte anti-sous-marine grâce à un sonar d'étrave et un sonar remorqué, des torpilles légères MU90 et un hélicoptère embarqué. La lutte antinavire est assurée par 8 missiles Exocet MM40. De plus, le gouvernement français a donné son feu vert à la vente de missiles de croisière Scalp Naval. Si cet accord n'a rien d'étonnant en raison de la position d'allié européen de la Grèce, il n'en constituerait pas moins la première vente à l'export de ce matériel stratégique, concurrent du Tomahawk américain. Pour mémoire, le Scalp Naval, qui serait dans ce cas embarqué à 16 exemplaires par frégate, peut atteindre une cible terrestre à une distance de 1000 kilomètres, sa précision étant de l'ordre du mètre. Le premier navire équipé de cet armement sera la frégate Aquitaine, tête de série du programme FREMM, dont la livraison est prévue en 2012.


FREMM proposée à la Grèce (© : DCNS)


FREMM proposée à la Grèce (© : DCNS)

Une vitrine flottante pour MBDA

DCNS n'est pas le seul industriel pour lequel le contrat est de première importance. Outre l'Exocet et le Scalp Naval, MBDA est très présent sur le projet « FREMM Grèce ». Les navires doivent, en effet, devoir assurer des missions de défense aérienne. Pour cela, MBDA fournira, si le contrat est remporté, 16 missiles Aster 30 (portée de 70 kilomètres) par bâtiment, de même que du Mica VL. C'est la première fois que ce missile, mis au point à partir de la version air-air embarquée sur avion de chasse, est intégré sur un bâtiment de conception française (des études en ce sens avaient néanmoins été réalisées pour les BPC du type Mistral). Tirés depuis trois lanceurs octuples Sylver A35, développés par DCNS à Ruelle, près d'Angoulême, les Mica VL seraient dans cette configuration embarqués à 24 exemplaires. Les lanceurs sont disposés sur bâbord arrière, au niveau du hangar. D'une portée de 15 kilomètres, le Mica VL assure une très bonne protection contre missiles à courte et très courte portée. L'enjeu est donc de taille pour MBDA, mais serait aussi une sorte de retour aux sources puisque c'est en Grèce, à la toute fin des années 70, qu'Aérospatiale avait mis en service son premier Exocet MM38 (sur un patrouilleur de la famille La Combattante). Le célèbre missile était opérationnel quelques semaines plus tard en France.
D'autres industriels français sont également concernés par le projet, au premier rang desquels Thales qui, outre les sonars, fournirait l'Herakles. Pour mémoire, ce radar multifonctions assure à la fois la détection, la désignation d'objectif et la conduite de tir. Outre la panoplie classique détecteur-brouilleur-veille infrarouge, les contre-mesures comprendraient quant à elles deux lance-leurres NGDS de Sagem et deux systèmes de lutte anti-torpille (SLAT). Côté artillerie, les Grecs sont plus favorables au canon de 127 mm (contre du 76 sur les FREMM française), un calibre plus important à même de pouvoir être utilisé dans l'appui-feu contre des objectifs côtiers. Enfin, des mitrailleuses de 12.7 mm sont prévues. « Ces frégates, qui bénéficient des technologies les plus modernes, permettront d'effectuer toutes les missions, de l'escorte au contrôle du trafic maritime ou à la maîtrise de l'espace aérien, le tout dans une perspective de renforcement de la coopération européenne de défense », assure le président de DCNS.


Lanceurs Sylver A35 pour missiles Mica intégrés sur FREMM (© : DCNS)


Lanceurs Sylver A35 pour missiles Mica intégrés sur FREMM (© : DCNS)


Lanceurs Sylver A35 pour missiles Mica intégrés sur FREMM (© : DCNS)

Construction chez Elefsis

Projet majeur pour les armées grecques, avec un coût estimé entre 2 et 3 milliards d'euros, les futures frégates devront être réalisées localement. Pour cela, DCNS s'est allié aux chantiers Elefsis, situés près d'Athènes. Après un premier accord, signé en octobre 2006, les deux industriels ont décidé, le mois dernier, de renforcer leur coopération en vue de décrocher le marché. Le nouveau texte précise l'organisation industrielle envisagée pour la réalisation des frégates, dont des éléments et équipements pourraient être réalisés en France, mais dont l'essentiel de la construction serait confiée aux chantiers grecs. « Il y a presque trois ans que nous avons engagé des discussions à propos d'une éventuelle coopération industrielle entre DCNS et Elefsis sur le programme des frégates de la marine hellénique. A cette époque, le programme apparaissait plutôt confus et lointain », rappelle le président d'Elefsis. Or, selon Nikolaos Tavoularis, le projet « semble maintenant être plus sûr et d'après certaines déclarations assez proche ». De fait, on estime chez DCNS que le marché des nouvelles frégates est « tout à fait à portée ».


Le chantier Elefsis (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Retombées sur l'économie locale

Le groupe français et son partenaire grec mettent en avant les retombées du projet sur l'économie locale. « L'accord vise à ce qu'Elefsis réalise complètement les frégates à partir du dessin réalisé par DCNS, en coopération avec l'Italie, dans le cadre des FREMM françaises. C'est un partenariat industriel approfondi qui permettra un large transfert de technologie entre DCNS et Elefsis. Ce que nous proposons, c'est un partenariat global à haute valeur technologique, une coopération industrielle bénéfique pour l'industrie grecque et créatrice d'un grand nombre d'emplois qualifiés. Le programme permettra aussi aux équipementiers grecs de se positionner sur l'ensemble du programme FREMM. Ainsi, des entreprises grecques pourront concourir afin de proposer des équipements pouvant être installés sur les frégates françaises et celles vendues à l'export », souligne Jean-Marie Poimboeuf. Pour l'heure, le président de DCNS indique qu'il n'est pas encore possible de déterminer quels matériels seraient concernés. « Cela dépendra des discussions avec l'industrie locale et la capacité des équipements à s'intégrer ». On évoque, néanmoins, comme accessibles aux entreprises locales, toute une gamme de sous-ensembles de la climatisation à l'informatique, en passant par l'électronique.


FREMM proposée à la Grèce (© : DCNS)

Un tremplin vers la Méditerranée orientale et le Moyen-Orient

Mais, pour DCNS, l'enjeu du contrat des FREMM grecques va bien au-delà de la simple réalisation des six frégates souhaitées par Athènes. « Notre volonté est de nous établir durablement en Grèce, où nous avons ouvert un bureau permanent, pour participer au renouvellement des moyens de la marine hellénique, mais aussi développer nos activités. Notre but est de développer notre coopération industrielle dans le domaine des frégates, non seulement pour la Grèce, mais également de manière plus large », précise Jean-Marie Poimboeuf. En clair, le groupe français souhaite, avec Elefsis, disposer d'une base plus proche d'autres clients potentiels. On pense bien évidemment à des pays comme la Bulgarie ou la Géorgie, qui doivent, ou pourraient, investir dans des corvettes du type Gowind, mais également aux Etats du Moyen-Orient. Pour l'industrie grecque, les débouchés seraient alors plus conséquents que le seul programme national. « Si on gagne cette affaire, on va s'appuyer sur Elefsis et si on peut faire du business avec d'autres pays on le fera », confirme une source française. De plus, DCNS pourrait intégrer à son catalogue d'offres les produits réalisés par son partenaire grec. Ainsi, non seulement Elefsis pourrait toucher les clients du groupe français, par exemple en Amérique latine ou en Asie, mais DCNS enrichirait, du même coût, sa gamme de produits. Pour l'heure, le Français est en effet absent du segment des petites unités, notamment des patrouilleurs, un créneau qu'il regarde sans doute de près vu le marché qu'il représente...

Elefsis : Du yacht à la frégate, de la construction à la réparation

Ouverts en 1969 après sept ans de travaux, les chantiers Elefsis font aujourd'hui partie du groupe Neorion, qui compte également le chantier de Syros, dans l'archipel des Cyclades. Situé à une trentaine de kilomètres d'Athènes, Elefsis présente une cale de construction de 200 mètres de long et 55 mètres de large, surmontée par un portique d'une capacité de 400 tonnes. Le site compte par ailleurs trois dry docks de 162, 227 et 252 mètres de long (largeurs de 24 à 41 mètres). Disposant d'un linéaire très important de quais, le chantier peut accueillir de 7 à 10 navires simultanément. Une partie importante de son activité porte sur la réparation navale et les refontes, qu'il s'agisse de gros cargos ou de navires à passagers. Pour cela, Elefsis abrite quelques 26.800 m² d'ateliers. Côté construction neuve, l'expérience de l'industriel grec est importante. Au-delà du secteur civil, avec par exemple le ferry Nissos Chios ou des structures offshores, l'entreprise travaille beaucoup pour la marine hellénique. Elle a réalisé la série des six patrouilleurs lance-missiles du type Super Vita (design VT Group), dont les deux derniers exemplaires ont été livrés en 2007. C'est également Elefsis qui a sorti, en 2003, le pétrolier ravitailleur Prometheus, construit suivant les plans (légèrement modifiés) de l'Etna, développé par Fincantieri pour la marine italienne. Elefsis mène, actuellement, la refonte des quatre patrouilleurs grecs du type La Combattante III. On notera enfin, côté produits, que le groupe a mené à bien la réalisation de deux méga-yachts de 85 mètres, navires très complexes qui en disent long sur le potentiel technique du groupe. L'outil industriel du site, qui compte un atelier de découpe et d'assemblage des tôles de 6600 m², a par ailleurs été partiellement rénové, le chantier bénéficiant en outre d'une certification ISO 9001 version 2000 couvrant les activités de conception, de fabrication et de réparation.


Les dirigeants de DCNS et leurs homologues grecs aux chantiers Elefsis (© : MER ET MARINE - V. GROIZELEAU)


Vedettes en construction chez Elefsis (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)


Patrouilleurs du type La Combattante III en cours de refonte (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

Face à la concurrence allemande...

Tous les ingrédients seraient donc réunis pour un conte de fées franco-grec, si un autre poids lourd de la navale militaire européenne ne convoitait pas déjà la belle : L'Allemand TKMS. Celui-ci est déjà très présent dans le pays, où il a repris l'ancien chantier public de Skaramanga. Et, contrairement à Elefsis, Hellenic Shipyards a déjà réalisé des unités de combat de première importance pour la flotte grecque. Ce fut le cas entre 1992 et 1998 avec trois frégates du type Meko 200 HN, la tête de série ayant été construite préalablement en Allemagne, chez Blohm & Voss. De même, Skaramanga travaille maintenant sur trois sous-marins du type 214 allemand. Mais, contrairement aux bâtiments précédents, ce contrat ne se déroule pas au mieux. Les Grecs n'ont d'ailleurs pas caché leur agacement après une série de problèmes rencontrés sur le Papanikolis, premier de la classe, réalisé en Allemagne. Les industriels français espèrent donc que les déboires du nouveau sous-marin de TKMS (qui a minimisé les difficultés) jouent en leur faveur. Mais, malgré ces problèmes, les Allemands restent très puissants dans le pays et, avec Skaramanga, disposent d'un argument social de choix : De nouvelles frégates ou le désinvestissement... Pourtant, les Français estiment qu'il ne manque pas grand-chose pour emporter la décision d'Athènes. « Le calendrier et la préférence technique sont très favorables à la France. On bénéficie du potentiel de FREMM, un superbe programme, et le premier vraiment européen. En face, les Allemands sont certes bien implantés en Grèce, mais ils n'ont que des bateaux plus anciens à proposer, leur nouveau type 125 n'étant pas adaptés aux spécifications de la marine hellénique, notamment au niveau du nombre de missiles », explique-t-on côté français.
En dehors des Allemands, DCNS doit aussi composer avec la concurrence des Néerlandais, qui propose le LCF (classe De Zeven Provincien) et des Espagnols avec le F100. Il sera néanmoins plus difficile d'obtenir des missiles de croisière pour ces bateaux, conçus pour pouvoir embarquer des Tomahawk. Enfin, les Italiens pourraient également entrer dans la course avec leur propre FREMM mais cette perspective n'est pas celle qui inquiète le plus DCNS.


FREMM proposée à la Grèce (© : DCNS)

... Et le spectre d'une rivalité destructrice entre Français

« L'Etat grec considère le programme des frégates comme prioritaire. Pour nous, c'est à portée de la main et l'enjeu est considérable. La Grèce est un projet accessible qui n'attend plus qu'une impulsion politique. Il faut donc convaincre l'Etat de le soutenir. Car, si ce n'est pas le cas, d'autres en profiteront », estime-t-on chez DCNS. A Paris, et notamment à la présidence de la République, de s'engager maintenant en faveur de l'industrie française. « Ce genre de programme a toujours une connotation très politique, car les contrats d'armement définissent une certaine distribution des partenariats avec les pays alliés. Pour mener à bien un projet de cette nature, il faut qu'il soit évoqué régulièrement, au niveau politique, comme un sujet important. Ce doit être le cas, quand les ministres sont en déplacement et, à fortiori, quand c'est le chef de l'Etat », explique un spécialiste du lobbying politico-industriel. Dans cette perspective, la visite en Grèce de Nicolas Sarkozy, prévue avant l'été et la présidence française de l'Union Européenne, pourrait être déterminante. DCNS et ses partenaires espèrent, en effet, une décision de lancement du programme avec la France cette année, pour une signature du contrat en 2009. Mais, dans le milieu naval, on redoute que les frégates fassent les frais d'une « guéguerre » franco-française et que l'Etat « lâche la proie pour l'ombre ».
N'étant pas encore parvenu à vendre le Rafale à l'export, Dassault Aviation n'a, en effet, pas caché son intérêt pour la Grèce, alors qu'une perspective s'ouvre pour DCNS. Et, il se murmure que, pour placer son avion de combat, l'avionneur, réputé efficace lobbyiste, n'hésiterait pas à contrecarrer les projets de son compatriote industriel. Certains affirment même que Dassault aurait demandé à l'Etat un soutien « clair et exclusif du gouvernement en faveur du Rafale ». Autant dire que dans l'industrie navale, on ne cache pas son agacement. « Si les frégates sont en phase avec le calendrier grec, il y a un décalage certain avec l'avion, dans la mesure où la Grèce vient de moderniser ses appareils. C'est donc un programme plus lointain et hypothétique. Il faut jouer le Rafale après. Dans le temps c'est possible mais si on le privilégie tout de suite, il y a fort à parier qu'en définitive, la France n'aura rien du tout. Et ça ne serait pas la première fois que les guéguerres franco-françaises plombent des contrats ». Rencontré à Athènes, un officier supérieur, qui n'est pourtant pas un marin, confirme quant à lui la « pertinence » de l'option navale : « Le projet FREMM est beaucoup plus mature et le besoin opérationnel est plus évident, d'autant que les forces armées ont touché récemment des F-16 et des Mirage modernisés. En outre, le missile de croisière Scalp est un gros plus pour la frégate ».