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quarta-feira, 3 de outubro de 2007

Supprimer des frégates, un non sens économique et stratégique?

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FREMM : Supprimer des frégates, un non sens économique et stratégique?

Frégate Européenne Multi-Missions
crédits : DCN


20/09/2007

Comme suite à l'université d'été de la Défense, qui s'est tenue la semaine dernière à Toulouse, des rumeurs circuleraient quant à l'avenir du programme des Frégates Européennes Multi-Missions. Piste réellement explorée dans le cadre des réflexions sur Livre Blanc ou "intox" des opposants à la marine et à l'industrie navale; un possible abandon des tranches conditionnelles de FREMM est évoqué ici et là. L'information est d'autant plus étonnante que ce programme, mené en coopération avec l'Italie et peut être plus tard avec la Grèce, répond en tous points aux nouveaux souhaits du ministère de la Défense. Il s'agit à la fois d'un projet européen bénéficiant d'un montage industriel efficient et d'un produit spécialement étudié pour réduire significativement les coûts de production et d'utilisation.
Destinées à remplacer les frégates anti-sous-marines et avisos, soit un total de 18 bâtiments actuellement en service (Et en omettant les 9 navires de ces catégories désarmés depuis 1999 et non remplacés), les FREMM doivent entrer en service à partir de 2011/2012. Huit ont pour le moment été commandées, la mise sur cale de la tête de série, l'Aquitaine, devant intervenir mi-décembre chez DCNS, à Lorient. Les neuf autres font l'objet de deux contrats optionnels, prévus pour être affermis en 2011 et 2013. Côté industriel et social, l'ensemble doit permettre d'assurer la charge de travail de l'établissement de Lorient, qui compte 2000 salariés, jusqu'au début des années 2020. Les sites de Brest et Cherbourg seront également associés à la construction des navires, au moins sur les deuxième et troisième unités. DCNS Nantes-Indret sera de son côté en charge de la propulsion, Ruelle de la production des lanceurs Sylver et Toulon du système de combat. Le programme est donc très structurant pour le tout jeune groupe DCNS, dont l'ouverture du capital à Thales est intervenu en avril dernier.

Des frégates 30% moins chères

Grâce à l'effet de série et à une cadence de production très élevée, une livraison tous les sept mois étant prévue, DCNS présente un bâtiment bon marché. Développement et armement compris, si les 17 unités sont construites, le coût unitaire moyen des FREMM sera de 380 millions d'euros. Ce prix est, environ, 30% moins élevé que celui des frégates construites dans les autres chantiers européens. Il mérite par exemple d'être comparé au programme allemand F125, qui prévoit une enveloppe de 2.5 à 3 milliards d'euros pour quatre bâtiments, soit 630 à 750 millions d'euros pièce, pour un navire au tonnage et aux équipements similaires.
Ne pouvant commander d'un coup l'ensemble des 17 frégates, le ministère de la Défense a notifié, en novembre 2005, un premier contrat de 3.5 milliards d'euros. Cette commande porte sur les études et le développement du navire, ainsi que la réalisation des 8 premiers bateaux. Deux tranches conditionnelles, pouvant être affermies en 2011 et 2013, comprennent les 9 dernières FREMM (4+5), pour un montant total de 2.95 milliards d'euros. Conséquence de l'effet de série, ces navires « optionnels » verront leur prix ramené à 330 millions d'euros, contre 440 millions pour les 8 premiers (qui intègreront notamment le coût de la conception). En cas d'abandon partiel ou total des tranches optionnelles, le ministère de la Défense se privera donc des effets d'une longue classe répétitive, qui permettra de réduire la facture des FREMM optionnelles de 25%. Dans le même temps, si une telle décision est prise, l'Etat devra payer un surcoût à DCNS, comme spécifié dans les clauses de dédit du contrat signé fin 2005. En clair, il faudrait ajouter plusieurs dizaines de millions d'euros à la facture des huit premiers bateaux.
Enfin, on notera que dans le cadre des économies budgétaires souhaitées sur la prochaine loi de programmation militaire (2008 - 2013), amputer le programme FREMM ne serait d'aucun secours. La première tranche aboutira en effet à une livraison de la Frégate n°8 en 2015. Ce n'est donc qu'en toute fin de LPM, voire sur la LPM suivante, que la charge de la première tranche optionnelle aura des effets. La deuxième tranche conditionnelle devrait, quant à elle, être en partie imputée à la LPM 2018-2023, ce qui permet d'étaler les dépenses sur près de 20 ans.

De gros gains attendus sur le coût de fonctionnement

Autre sujet de préoccupation en cas de réduction du programme FREMM, celui du budget de fonctionnement. Premier bâtiment de surface français imaginé après la guerre froide, la frégate multi-missions bénéficiera d'une automatisation très poussée, permettant une réduction considérable de son équipage. Seuls 108 hommes armeront chaque navire. A titre de comparaison, 298 marins sont nécessaires pour une frégate du type F67, 240 pour une frégate du type F70 et 89 pour un aviso. 40% du prix d'utilisation d'un bateau étant constitué par l'équipage, une réduction notable de la masse salariale est attendue avec l'entrée en flotte des FREMM. Ainsi, seuls il faudra un peu plus de 1800 hommes pour armer les 17 FREMM, contre près de 3100 pour les 18 frégates et avisos devant être remplacés. La marine y gagnera donc sur le coût de fonctionnement, d'autant que les futurs bâtiments bénéficieront de modes de propulsion moins gourmands en énergie. Le « plein » en carburant d'une frégate étant actuellement estimé à plus de 15.000 dollars, il y aura, là encore, des économies à faire.

Maintenance réduite

Tout comme le coût de fonctionnement, le poids de la maintenance a, également, fait l'objet d'importantes études destinées à réduire le budget nécessaire à l'entretien des FREMM. Cette flotte bénéficiera d'un contrat de Maintien en Condition Opérationnelle de six ans, soit le double des contrats de MCO aujourd'hui gérés par DCNS. Le nombre plus important de navires à traiter, la possession d'une série homogène et l'allongement de la durée des contrats donneront aux industriels une meilleure visibilité et une capacité accrue pour réduire le prix de leurs prestations. Ces dernières devraient osciller autour de 6 millions d'euros par an et par frégate. Ce budget est prévu pour être inférieur au prix consenti pour les actuelles frégates, bien que les navires soient plus gros et nettement mieux armés. Grâce à une conception adaptée, le programme de maintenance sera quant à lui allégé. Les FREMM ne nécessiteront un grand carénage de six mois que tous les 10 ans, contre un arrêt technique majeur de 4 mois tous les trois ans pour les F67 et F70. Les périodes d'entretien courant seront elles-aussi diminuées, avec seulement 2 à 3 mois d'Indisponibilité pour Entretien (IE) tous les trois ans.

Le coût de l'obsolescence

Les clefs de comparaison entre l'actuelle génération et les futurs navires sont donc, économiquement, probantes. Il convient, d'ailleurs, de noter qu'un étalement du programme FREMM, parfois évoqué, ne ferait que prolonger le surcoût du maintien en service des vieilles frégates. En dehors du report des bénéfices attendus sur FREMM en matière de masse salariale et de maintenance, prolonger l'activité des bâtiments en service provoquerait inévitablement un accroissement des dépenses liées à leur obsolescence. Remplacement d'équipements usés, maintien en état de matériels vétustes, problèmes de stocks liés à l'arrêt de la production de pièces trentenaires, obérant parfois certaines capacités faute de rechanges disponibles... Passé un certain âge, l'entretien d'un navire n'est pas sans conséquence budgétaire. Les exemples sont légion dans le secteur naval comme dans l'aéronautique. Il y a dix ans, faute d'avoir reçu à temps ses premiers Rafale, la marine faisait encore voler son antique Crusader. Totalement dépassé, l'avion nécessitait, pour chaque heure de vol, plusieurs dizaines d'heures de maintenance. Ce que militaires et industriels appellent de l'« acharnement thérapeutique » sur des matériels hors d'âge finit, à la longue, par coûter beaucoup plus cher au contribuable que l'acquisition d'équipements neufs.

A quoi servent les frégates ?

Dans le cadre du modèle d'armée 2015, le nombre de frégates dont doit disposer la marine a été fixé à 26. Pour maintenir au début des années 2020 ce niveau d'équipement, obtenu depuis plusieurs années grâce à une réduction du format de la flotte, 17 frégates multi-missions, 2 frégates de défense aérienne du type Horizon et deux frégates antiaériennes dérivées des FREMM sont attendues. Elles complèteront les cinq frégates légères furtives du type La Fayette.
Aux côtés de la composante sous-marine et des grands bâtiments de surface (porte-avions et navires amphibies), les frégates sont l'épine dorsale de la marine. Cheville ouvrière de la flotte, ces navires assurent, au large des côtes hexagonales ou outre-mer, des missions aussi variées que la protection des sous-marins stratégiques et des groupes aéronavals. Mais aussi la chasse aux sous-marins ou bâtiments adverses, le contrôle maritime, la police des pêches, la lutte contre le narcotrafic. Sans oublier le terrorisme et la piraterie, l'immigration clandestine, le sauvetage en mer, le renseignement ou encore l'escorte des navires marchands. Ainsi, durant la guerre entre l'Iran et l'Irak, qui s'est achevée en 1988, les frégates de la Marine nationale ont protégé les tankers transitant par le golfe Persique, bateaux qui assurent encore aujourd'hui la majeure partie de l'approvisionnement français en pétrole.

Navires polyvalents

Afin d'assurer une palette de missions aussi diversifiée, les frégates doivent être de plus en plus polyvalentes. C'est pourquoi les FREMM auront des capacités de lutte antinavire (Exocet MM40), antiaérienne (Aster15), anti-sous-marine (Torpilles MU90 et hélicoptère NH90) et d'action vers la terre (missiles de croisière Scalp Naval, embarcations pour forces spéciales). L'ensemble n'aboutira toutefois pas à une technologie trop complexe et donc trop coûteuse, les équipements et matériels retenus étant déjà éprouvés. Elles présenteront toutefois une capacité militaire cruciale dont la France ne dispose toujours pas, celle des missiles de croisière embarqués. Cet outil, grâce auquel les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont acquis une suprématie dans certains aspects des gestions de crises, présente à la fois un avantage préventif (dissuasion) et offensif (destruction de cibles terrestres située à plus de 1000 kilomètres du navire). Déjà très sollicitées, les frégates ne peuvent donc voir leur nombre réduit sans risquer un abandon, même partiel, d'une partie des missions qui leur sont confiées. Réduire le nombre des FREMM à 8 unités serait, en effet, opérationnellement très délicat. Avec seulement six bâtiments de lutte anti-sous-marine (6 des 8 premières frégates sont à vocation ASM, les 2 autres étant à vocation Action vers la Terre), la marine aurait probablement bien du mal à assurer, en même temps, la protection des sous-marins stratégiques et d'un groupe aéronaval.

S'en remettre aux autres marines : Un voeu pieux

L'argument parfois avancé de s'en remettre aux autres marines européennes pour compenser un éventuel déficit en frégates semble, quant à lui, des plus illusoires. Avec seulement une douzaine de bâtiments de ce type pour l'Italie et l'Espagne, une dizaine pour l'Allemagne et seulement six pour les Pays-Bas, les partenaires de la France doivent, eux aussi, composer avec des moyens limités pour défendre leurs propres intérêts. Le concept du « prêt » de navires européens a, néanmoins, déjà été testé ces dernières années pour compenser le manque de bâtiments antiaériennes. Or, il s'est avéré que les capacités européennes, bien que nombreuses sur le papier, n'étaient pas toujours au rendez-vous : « Afin d'assurer certains aspects de son contrat opérationnel, la marine a du faire appel occasionnellement au renfort de frégates d'autres Etats européens qui n'ont pas toujours été en mesure de répondre favorablement », notait, fin 2005, le sénateur André Boyer, de la commission des Affaires Etrangères et de la Défense du Sénat. Cette constation ne prend, par ailleurs, pas en compte d'éventuels désaccords politiques entre pays en cas d'intervention militaire. A la lumière de ces tentatives et en attendant que l'Europe dispose de sa propre armée, la France est donc contrainte de s'assumer de manière autonome. Elle doit également, comme c'est le cas dans le programme FREMM, anticiper les besoins futurs. En prévision d'un renforcement significatif du poids des zones maritimes sur la scène internationale et les théâtres d'opérations, les réserves de disponibilité offertes par les FREMM seront très précieuses. Elles permettront, notamment, d'éviter une croissance presque indispensable du nombre de passerelles au regard de l'évolution prévisible du contexte mondial dans les 15 à 20 ans.
Bénéficiant, comme nous l'avons vu, d'une maintenance réduite, les frégates multi-missions pourront naviguer 3700 heures par an, contre 2000 à 2500 heures pour les unités actuellement en service.

Des moyens à la mesure des obligations d'aujourd'hui et des enjeux de demain

En dehors de la protection de la Force Océanique STratégique (FOST) et des groupes aéronavals et amphibies, les frégates ont un rôle permanent de présence, de contrôle et de surveillance, profitant de la discrétion de la haute mer pour évoluer et dissuader. Autonomes, elles peuvent être déployées de longs mois à moindre coût, tout en constituant, en cas de regain de tensions, l'élément précurseur d'un déploiement de plus grande envergure. Leur dotation en missiles de croisière leur donnera, par ailleurs, une capacité de frappe préventive, et peut être dans certains cas décisive, en attendant « l'arrivée de la cavalerie ».
D'un point de vue naval, le modèle 2015 ne semble donc pas dépassé, tant le poids stratégique de l'espace maritime s'est renforcé depuis la fin de la guerre froide. Les intérêts de la France ne sont aujourd'hui plus seulement continentaux mais aussi, et peut être même surtout, océaniques. S'il n'est pas question de négliger les autres moyens de la Défense, la géopolitique et l'économie mondiale se sont résolument recentrées sur l'océan Indien et l'Asie, zones à hauts risques, bien loin des points d'appuis traditionnels de notre pays. La situation est d'autant plus sensible que l'économie française est totalement dépendante des marchandises empruntant les routes maritimes, notamment celles en provenance de la région asiatique. En tout, 72% des importations et exportations hexagonales s'effectuent par la mer, les ports hexagonaux traitant plus de 300 millions de tonnes de marchandises chaque année. Dans ce contexte, l'Etat doit être en mesure de garantir ses approvisionnements et la protection de ses intérêts très loin des côtes métropolitaines.
On notera, enfin que la France dispose du deuxième plus vaste espace maritime mondial, juste derrière les Etats-Unis, avec 11 millions de km² de Zone Economique Exclusive. Si on compare le format de 26 frégates pour la Marine nationale à celui de la Royal Navy, qui est de 25 unités, les ambitions françaises sont même mesurées, les Britanniques ne devant protéger « que » 4 millions de km² de ZEE.

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